Violences anti-policières, à l'africaine
On ne m'enlèvera pas de l'esprit que, en basculant dans le rationnalisme, l'Occident y a beaucoup plus perdu que gagné. Technologiquement, on n'est pas trop mal placés. Economiquement, ça va plus ou moins aussi. Enfin, je dis ça, j'en sais trop rien. L'autopsie nous en dira peut-être un peu plus, dans quelques mois ou dans quelques années.
Nous nous sommes enlisés dans le sérieux, verrouillés dans l'analyse. Exit la fantaisie des croyances, exit la poésie des sorcelleries. Exit malédictions, mauvais oeil et sortilèges ! On les a abandonnés, sur l'autel de certitudes qui ne sont pas forcément beaucoup plus vérifiables. Par ici, on croit dur comme fer que la maman à Jésus est restée toute sa vie une Vierge Immaculée. Un peu plus loin, on est persuadé que si on meurt en martyr de Dieu, on va se taper un nombre incalculable de vierges au paradis. Toujours cette histoire d'hymen intact. Bonjour la poésie !
A choisir, je préfère les superstitions africaines. Elles sont aussi fumeuses que les nôtres, mais au moins elles sont hautes en couleurs. Tenez, il n'y a pas longtemps, il y a eu des émeutes à Lomé, capitale du Togo. Comme dans toutes les sauteries du genre, des manifestants remontés à bloc se sont retrouvés face à des keufs casqués, giléparballés, boucliérés, matracarisés. En Europe, les premiers auraient normalement tenté de caillasser les seconds, ou de leur balancer des cocktails Molotov : "à vot' santé, valets du pouvoir" !
Mais en Afrique, 'faut pas croire, ils ont d'autres armes pour allumer les flics, autrement plus redoutables qu'une bête bouteille remplie d'essence. Ils leur jettent des sorts !... Bon, pour ceux d'entre vous qui sont nuls en culture togolaise, je précise que dans ce pays d'Afrique de l'ouest, tout le monde n'est pas autorisé à jeter des sorts, comme ça, cash et à l'emporte-pièce, entre le fromage et le dessert. Normalement, le process togolais de maudissement prévoit que ce sont des femmes qui doivent assurer cette mission ! Donc, les organisateurs de la manif, soucieux des règles de savoir-vivre, les ont poussées en première ligne, face à la brigade anti-émeutes.
Bon, je vous laisse découvrir le mode opératoire. Surtout, lisez bien tous les commentaires qui suivent l'article, certains sont savoureux ! Moi, celui qui m'a fait rêver, c'est celui de Joul (commentaire n°9) : "@BBc je confirme dans le sud et dans le fadhiouth aussi quand une veille femme te fait ça tu es foutu !!!"... Le mec, quand il croit à un truc, il y croit pas à moitié. C'est pas négociable, il y a pas de demi-mesure: "Tu-es-fou-tu" !
Alors je me pose la question : si on organisait chez nous un truc similaire pour les prochaines grandes manifestations sociales de septembre ?, histoire de mettre la pression à Hollande et Ayrault. En leur jetant un sort. Et puisqu'on y est, dans la foulée, on pourrait attaquer pareil Goldman Sachs, Wall Street et le Crédit Agricole ! "Ah, que je vous y reprenne à spéculer, bande de sacripants ?!..."
D'ailleurs, on a déjà fait une révolution avec des sans-culottes. Et elle a un peu marché. Non ?
Le sexe, arme politique féminine
Peut-être avez-vous remarqué en parcourant les commentaires - parfois abrupts - de l'article paru sur Seneweb (site d'actualité sénégalais) qu'il était question d'une grève du sexe décidée par les femmes togolaises. Il s'agit d'une initiative, qui peut nous sembler exotique, de certaines Togolaises pour inciter leurs compagnons à s'élever contre la famille Gnassingbé, au pouvoir depuis 1967. Il s'agit donc d'un sujet tout à fait sérieux: le manque de démocratie au Togo.
Par le passé, d'autres grèves du sexe, toujours des initiatives féminines, ont égréné les frustrations politiques en Afrique et ailleurs dans le monde:
En 2009, une grève des relations intimes a été décrétée au Kenya. Elle n'a pas eu les effets escomptés, loin de là: le pays connaît toujours une instabilité politique.
A plusieurs reprises au cours des années 2002 et 2003, les femmes du Libéria ont tenté de la même manière d'exercer une pression pour que leur pays sorte de l'engrenage de la guerre civile et de la violence. Cela a-t-il été payant ? Peut-être. Le Libéria n'est plus en guerre depuis peu. Cependant, les esprits pointilleux remarqueront que la paix est survenue bien après 2003, bien après la dernière grève du sexe.
En Colombie, pendant dix jours en 2006, les femmes se sont refusées à leurs hommes jusqu'à ce que cesse la meurtrière guerre des gangs à Pereira, capitale de la région du café Risaralda. Avec pour résultat une diminution significative des meurtres, mais à l'instar du Libéria, bien plus tard après la fin de la grève.
Pendant une semaine aux Îles Philippines en 2011, plus de sexe jusqu'à ce que le sud du pays renonce aux violences d'ordre politique (qui étaient surtout des prétextes à des affrontements entre intérêts économiques opposés). L'effet a été rapide: de l'avis même des Nations Unies, les hostilités ont presque disparu, ce qui a permis un retour de la prospérité dans la région.